Critique objective de la croissance – Chronique n°13 : L’impossible dialogue avec la médecine croissanciste

Support de débat pour la réunion du 22/12/2022 à 14h00 sur https://meet.jit.si/decroissance
Critique objective de la croissance, par Christian Laurut – Chronique n°13 – Rubrique : L’impasse sanitaire – Sujet : L’impossible dialogue t avec la médecine croissanciste

Dans ma chronique précédente introductive à l’impasse sanitaire de la croissance, j’ai évoqué un certain nombre de questions, qui mériteraient d’être posées aux représentants du corps médical et pharmaceutique mais que personne ne pose jamais. Eh bien, nous allons donc les énumérer et les poser aujourd’hui dans cette chronique intitulée : l’impossible débat avec la médecine croissanciste. La première de ces questions est toute simple, c’est celle-ci : n’est-il pas plus important de faire en sorte de ne pas tomber malade, que de faire en sorte d’avoir des médicaments pour se soigner quand on est malade ? Or cette question n’est jamais posée, pourquoi ? Eh bien tout simplement parce qu’elle pourrait passer pour   suspecte aux yeux de la profession autorisée, suspecte de cacher en réalité une volonté de laisser mourir les gens sans les soigner, la communauté sanitaire organisée utilisant volontiers la technique du procès d’intention à l’encontre des simples agnostiques de son sacerdoce incontestable.

Une autre question serait celle-ci : Les conditions de vie de la civilisation moderne et les évolutions de la pharmaco-médecine nous permettent-elles de moins tomber malade ? Ou bien, au contraire, les facteurs de mauvaise santé augmentent-ils de par les conditions de vie de la civilisation moderne, et la pharmaco-médecine ne fait-elle finalement que faire en sorte de mieux les gérer afin que nous puissions maintenir inchangé nos conditions et modes de vie modernes de consommateurs dociles?

Cette question également pourra paraître suspecte et sera naturellement soigneusement éludée dans le cas, bien improbable, ou des représentants de la santé officielle accepteraient un débat de fond sur ce thème.

Mais pour pousser encore un peu le raisonnement, il y a une autre question à poser naturellement aux officiels de la santé publique, que d’aucuns considéreront comme relevant du complotisme, mais qui, dans l’état actuel de la législation pénale, reste encore loisible et que nous ne saurions donc résister à l’envie de poser (tant que nous pouvons encore le faire). C’est celle-ci :

Certains pensent que le système civilisationnel actuel créé des pathologies spécifiques, notamment dues à la toxicité des aliments produits par l’agriculture chimique, à la pollution, au stress de la vie moderne et au déséquilibre alimentaire. D’autres vont même jusqu’à imaginer que l’industrie pharmaceutique (et, avec elle, la profession médicale)  est en réalité complice de la diffusion des ces pathologies afin de pouvoir réaliser des profits induits en proposant des médicaments pour les traiter. Ce serait en quelque sorte un système gagnant/gagnant du capitalisme industriel en général qui ferait du profit en fabriquant à la fois le poison et le contre-poison. Que pensez-vous de cette vision des choses ?

Cette question pourrait être alors complétée par cette autre :

La médecine ne consiste pas qu’à tenter de guérir les maladies, elle a également pour vocation de faire en sorte qu’elles ne surviennent pas. C’est ce qu’on nomme la prévention. Mais on constate aujourd’hui que les politiques de prévention se résument principalement des actions de détection précoces des maladies, au lieu de réellement mettre en oeuvre des dispositifs pour qu’elles n’apparaissent pas. Il semble donc qu’il y ait confusion, plus ou moins intentionnelle, entre la notion de “prévention” et celle de “dépistage”. Qu’en pensez-vous ?

En allant encore plus loin , nous pourrions imaginer celle-ci encore :

Que pensez vous de la formule : “être bien soigné c’est recevoir des conseils pour ne pas tomber malade” ? Et pensez-vous qu’elle puisse faire l’objet d’une autre médecine, par exemple une non officielle ?

Aux représentants de la profession autorisée, restant probablement interloqués devant de telles questions, nous relirions alors paisiblement le texte intégral du Serment du Conseil de l’Ordre des médecins, communément dénommé serment d’Hippocrate, afin de leur donner le temps de se ressaisir et de rassembler leurs arguments :

« Au moment d’être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.

Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité.

Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.

Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.

Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me le demandera.

Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.

Admis dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés.

Reçu à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances.

Je ne prolongerai pas abusivement les agonies.

Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.

Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré et méprisé si j’y manque. »

Après la lecture de ce texte sublime, et tandis que la docte assemblée continuerait de rassembler ses idées, nous ajouterions une ou deux questions annexes et anodines telles que par exemple :

►Pensez-vous que le métier de médecin est un métier comme les autres ?

►Les principaux points du serment vous paraissent-ils toujours bien respectés, et notamment ?

préserver et promouvoir la santé

ne pas prolonger abusivement les agonies

ne pas être pas influencé par la soif du gain

►Nous aborderions ensuite l’épineux problème de la relation entre la profession médicale autorisée et l’industrie pharmaceutique capitalistique, en posant ces quelques questions de simple bon sens :

►Sachant que, hormis les actes de chirurgie, les soins de la médecine officielle sont essentiellement constitués par des administration de médicaments élaborés par l’industrie pharmaceutique. Peut-on dire que la médecine officielle est dépendante, voire assujettie à l’industrie pharmaceutique ou que c’est l’inverse. Et dans quelle proportion ?

►Ainsi qu’une question subsidiaire, venant en écho au serment des médecins de ne pas se laisser influencer par la soif du gain : peut-on dire que l’industrie pharmaceutique ne fonctionne pas comme une activité commerciale ordinaire, et qu’elle est exempte de tout objectif lucratif ?

Question d’ordre éthique, à laquelle d’ailleurs, le LEEM, en bon politique répond sans y répondre en énonçant ses 8 principes déontologiques, qui sont les suivants :

La mission fondamentale des Entreprises du Médicament est d’oeuvrer à la préservation et à l’amélioration de la santé des personnes et à la prévention des pathologies, dans le cadre d’une mission d’intérêt général de promotion de la santé individuelle et des populations.

La santé et le bien-être de la personne sont au coeur des préoccupations des Entreprises du Médicament. Le patient est considéré comme une personne, usager responsable, et non comme un simple consommateur.

Les activités des Entreprises du Médicament participent à la recherche de solutions de santé innovantes ou efficientes.

Les Entreprises du Médicament développent des relations de confiance et un dialogue constructif avec l’ensemble des parties prenantes.

Les Entreprises du Médicament mettent en oeuvre les mesures adaptées à la prévention des risques et des conséquences éventuellement dommageables de leurs activités sur l’homme, l’animal et l’environnement.

Les Entreprises du Médicament sont garantes de la justesse de la communication relative à leurs produits et à leurs activités.

Les Entreprises du Médicament entretiennent des relations confraternelles.

Les Entreprises du Médicament mettent en place les conditions permettant à tous leurs collaborateurs d’adhérer à l’ensemble de ces principes déontologiques.

A la lecture de ces principes déontologiques, chacun pourra juger, en toute connaissance de cause, de leur valeur concrète, notamment dans le domaine relatif au moteur du profit financier qui nous intéresse et qui, comme nous aurions nous en douter est soigneusement éludé dans leur énoncé. Nous remarquerons également l’utilisation liminaire du fameux largument massue de l’intérêt général coupant court à tout débat.

De tels questionnements, malheureusement, sont très rarement abordés dans la communication dite « mainstream », probablement au prétexte qu’ils touchent à un tabou culturel que peu de commentateurs osent remettre en question, au prétexte notamment qu’on ne discute pas d’une évidence, cette évidence étant en l’occurrence le fait que nous sommes mieux soignés aujourd’hui qu’il y a cent ans, que l’espérance de vie s’est allongée, etc…, etc.

Cette affirmation est, par ailleurs, réputée ne pas souffrir de contestation dans le cadre du débat public, même si certaines sectes adeptes des vertus salvatrices de la frugalité et de la sobriété volontaire, professent dans le désert médiatique que l’hyper consommation de la civilisation industrielle engendre des maladies de plus en plus sophistiquées dont l’homme des cavernes était épargné.

Le fait que le pouvoir en place n’ai même pas jugé nécessaire d’inclure le thème de la santé lors du Grand Débat National du printemps 2019, montre à quel point le consensus sur la politique menée dans ce domaine est supposé ne pas devoir être mise en doute.

Donc la doctrine officielle, c’est bien que la santé de l’homo industrialis s’améliore sans cesse, la preuve en étant que son espérance de vie est passée de 48 ans en 1900 à 84 ans en 2012, et cela en dépit des propos d’esprits tatillons et méprisables qui argueront que ces résultats arithmétiques sont dus plus à l’acharnement thérapeutique de médicastres obsessionnels sur des individus en pleine décrépitude, qu’à la comptabilisation de jeunes vieillards maintenus en forme olympique.

Nous avons dit précédemment que la sécurité constituait la principale monnaie d’échange entre le Peuple et l’Etat, le premier consentant une quotité de soumissions proportionnelle à la quantité de garanties promises par le second.

Cette sécurité réclamée par le peuple en contrepartie de l’abandon de l’essentiel de sa liberté et de sa responsabilité individuelle, s’entend dans tous les secteurs de la vie en société, c’est à dire non pas seulement dans le domaine de la protection physique et patrimoniale des individus entre eux, mais également pour tout ce qui concerne la protection de chaque individu contre les aléas de la nature (maladie), les errements de l’activité économique (chômage), les tracas de la condition humaine (aide sociale), et même contre l’inéluctabilité de l’affaiblissement physique (retraite).

Ces quatre piliers maîtres de l’édifice protecteur que sont la santé, la retraite, le chômage et l’aide sociale, classés ainsi dans leur ordre d’importance, paraissent ancrés depuis l’origine des hommes, alors que, en réalité, le plus ancien date de moins de soixante ans.

La protection santé, en France, en effet, fut érigé en 1945, après que le Conseil National de la Résistance ait inscrit à son programme « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ».

Mais revenons au centre de notre propos qui est d’évaluer les résultats constatables aujourd’hui, mais aussi les conséquences prévisibles à plus ou moins long terme, de la politique de santé de la société industrielle capitaliste croissanciste mise en place depuis son avènement, cad depuis 1850.

Nous disons bien « la » politique de santé et pas « les » politiques de santé puisque chacun peut constater l’alignement de toutes les nations sur un modèle unique dominant, hormis quelques variantes locales de détails observées ici ou là ….

Le traitement mondial de la crise actuelle du Covid19 nous en donne d’ailleurs un exemple frappant, de par l’adhésion universelle à l’idée du traitement médicamenteux comme étant la seule solution (en l’espèce un produit chimique de synthèse dénommé vaccin) et démontre donc bien l’unicité de la stratégie de santé de l’ensemble des peuplades d’homos industralis.

Mais pour pouvoir évaluer cette politique de santé de la société croissanciste, et cela est bien au centre de notre propos, nous devons disposer d’outils de mesure fiables et, surtout, signifiants.

Alors quels sont ces outils de mesure ? Quels sont ceux que nous propose la société industrielle ? Sont-ils fiables ? Sont-ils signifiants ? Y en existe t-il d’autres qui ne seraient pas proposés, voire rejetés, décriés ou pourquoi pas calomniés par la société industrielle ? Voici toute une série de questions très intéressantes que nous allons nos efforcer de débroussailler.

Mais auparavant, nous devons traiter un point préalable : avons-nous le droit de nous poser de telles questions ? Le droit, au sens juridique et au sens pénal du terme.

Cette interrogation n’est pas anodine, ni provocatrice dans la mesure où une tendance existe actuellement dans de nombreux pays développés (cad en pointe de la croissance) à légiférer sur l’information en général, et scientifique en particulier, cad interdire la diffusion d’une information, ou d’un raisonnement, qui n’aurait pas été validé en amont par un organisme certificateur et ceci dans le but avoué de permettre au grand public de forger ses opinions profondes et personnelles à partir de sources contrôlées.

Cette tendance se concrétise déjà par des actions précises comme par exemple la loi contre la manipulation de l’information, dite « loi fake news » ou « loi infox », adoptée en France le 22 décembre 2018, suivie par d’autres lois similaires dans d’autres pays développées comme l’Allemagne ou Singapour et qui permet notamment de signaler, ou même de supprimer, toute une catégorie de publications sur les réseaux sociaux.

Nous pourrions citer également l’outil Decodex, élaboré par la presse subventionnée, et qui délivre des certificats de fiabilité plus ou moins élevés aux   publications écrites ou audiovisuelles circulant dans les différents médias de communication.

C’est ainsi qu’en nous posant simplement la question de savoir si les outils de mesure de la bonne santé physique des humains habitant la planète sont pertinents nous devons prendre garde à ne pas nous mettre dans le champ d’application de cette loi du 22 décembre 2018. Car ces outils de mesure, et notamment celui de l’indice d’espérance de vie ne semblent pas pouvoir être contesté en toute liberté de pensée et d’opinion sans que cette contestation ne puisse risquer d’être assimilée juridiquement à une manipulation de l’information. Dont acte !

Alors, Cet indice de l’espérance de vie, cet indice qui, comme nous l’avons dit tout à l’heure, est passé en France, de 48 ans en 1900 à 84 ans en 2012 et qui est généralement estimé, en l’absence toutefois de données fiables, à 35 ans en 1750 est le principal, et si nous y regardons de plus près en réalité le seul indicateur validant la politique sanitaire, en tout cas le seul mis en avant par les pouvoirs publics pour évaluer l’état de santé global des citoyens.

Or, l’utilisation de cet indicateur appelle plusieurs remarques. La première sera d’ordre statistique, dans le sens où la représentation graphique de l’évolution de l’indice d’espérance de vie, en fonction de temps depuis l’âge néolithique, fait apparaître une très grande similitude avec les courbes que nous avons déjà étudiées représentant, elles, l’évolution de la prédations des ressources naturelles finies, du PIB et de la population, cad avec une quasi linéarité en abscisse jusqu’en 1850 et un cabrage asymptotique sur l’axe des ordonnées à partir de cette date conventionnellement choisie comme marquant le début de la société industrielle croissanciste.

Cette première observation tendrait à accréditer l’idée que la croissance s’accompagne d’une augmentation de l’espérance de vie, et donc, par induction de raisonnement, contribue, dans le même temps, à améliorer la santé de l’espèce humaine.

Cette conclusion hâtive doit, dans un premier temps, être modérée, et même comme nous le verrons dans un deuxième temps, en partie contredite.

Un premier ajustement est relatif aux facteurs qui déterminent l’augmentation de l’espérance de vie, facteurs qui sont bien connus, dont notamment une bonne hygiène corporelle et domestique, une alimentation quantitativement et qualitativement équilibrée, des conditions satisfaisantes de logement et de travail (notamment au niveau de la pénibilité), sans oublier une minimalisation du stress dans la vie courante de l’individu.

Bien sûr, s’ajoute à cette liste les progrès de la médecine curative qui est le principal moteur de l’augmentation de l’espérance de vie puisque tous les chiffres s’accordent à dire qu’ils ont, pratiquement à eux seuls, contribué à multiplier par deux cet indice depuis 1910, date après laquelle les premiers facteurs précités n’ont contribué que pour une part minoritaire à l’accroissement de la durée de vie de l’homo industrialis.

Si nous résumons donc la version historique officielle et non contestable sans risquer l’accusation de négationnisme, et en prenant les chiffres références de la France, cela donne ceci :

Aux alentours des années 1750 l’espérance de vie était de 35 ans pour une population de 24 millions d’homos pré-industrialis

Aux alentours des années 1900 l’espérance de vie était de 48 ans pour une population de 40 millions d’homos en cours d’industrialisation, le gain de 13 ans de l’indice pouvant être attribué essentiellement à l’amélioration des facteurs sociétaux (hygiène, alimentation, travail, logement, stress)

En 2017, l’espérance de vie est de 83 ans pour une population de 66,5 millions d’homos industrialis, le gain de 35 ans par rapport à 1900 devant être majoritairement attribué à l’action de la médecine

pour mémoire, il convient d’indiquer que depuis 2017, les chiffres montrent un tassement, voire un léger recul de l’espérance de vie

Il ressort de ces considérations un point majeur : c’est qu’il est important de bien distinguer ce qui relève de la médecine et ce qui relève des facteurs sociétaux, en tant qu’éléments constitutifs de l’augmentation de l’espérance de vie. Cette distinction causale, nous conduit à une autre distinction, celle-ci de nature « essentielle » à savoir distinguer ce qui relève consubstantiellement de la croissance industrielle et ce qui pourrait ne pas en relever.

Autrement dit, pourrions-nous imaginer qu’une société puisse améliorer l’hygiène,   l’alimentation, les conditions de travail, le logement et le stress sans passer par une forte croissance industrielle ? La réponse est naturellement oui.

De l’autre côté, pourrions-nous imaginer qu’une société puisse développer une médecine à haute technologie médicamenteuse sans passer par une forte croissance industrielle ? La réponse est naturellement non.

Ces deux affirmations pourraient faire débat, et constituer même un débat fondamental   dans une société de l’après croissance (que cette « après-croissance » soit d’ailleurs volontaire ou contrainte), mais nous nous en tiendrons aujourd’hui, et pour rester centré sur l’objet de notre étude, à la constatation factuelle que la communication officielle de la société industrielle croissanciste assimile le facteur santé au seul facteur médecine (et plus précisément médecine médicamenteuse) et qu’elle est en cela relayée par l’immense majorité des masses populaires.

Donc la formule être en bonne santé c’est se soigner en absorbant des médicaments ne semble pas devoir être contredite par aucun zélateur de la société industrielle.

Mais nous avons tout à l’heure établi un parallèle entre les deux indicateurs que sont l’espérance de vie et le PIB en faisant simplement remarquer que leurs représentation graphique sur un repère orthogonal présentent une inflexion croissante homothétique.

Eh bien, ce parallèle visuel peut naturellement être élargi au contenu signifiant de cet indice qui, tout comme le PIB ne mesure qu’un élément du problème.

De la même façon que nous avons montré dans la 1ere conférence sur l’impasse comptable sous titrée : le mirage du PIB, que le PIB ne rendait pas compte (et contrairement à ce qu’affirme l’INSEE dans son livret « A quoi sert le PIB ») de la bonne santé de l’économie, nous avons déjà commencé à suggérer que l’indicateur de l’espérance de vie pouvait possiblement ne pas rendre pas compte correctement de la bonne santé de l’homo industrialis.

Le fait avéré, et déjà explicité précédemment, que la politique de santé de la société industrielle croissanciste néglige les thérapies préventives (au sens d’éviter de tomber malade, et non pas de détecter précocement les premiers signes de la maladie, rappelons le encore une fois), constitue déjà un premier élément de preuve puisqu’il associe indubitablement la bonne santé de l’individu à sa prise de médicaments élaborés par la chimie de synthèse des laboratoires industriels.

Commençant toutefois à prendre conscience de cet inconvénient statistique, les gestionnaires de santé ont tenté récemment d’élaborer un leurre qu’ils ont dénommé : espérance de vie en bonne santé. Cet indicateur dont l’acronyme est EVBS  (en anglais : Healthy Life Years ou HLY), était annoncé comme devant mesurer « le nombre moyen d’années de bonne santé que l’on peut espérer vivre au sein de l’indicateur strict de l’espérance de vie (EV) dans les conditions médicales, sociales et sanitaires du moment ».

L’objectif était officiellement d’introduire un élément qualitatif dans une donnée d’évaluation purement quantitative, mais il visait en fait à masquer la réalité du résultat de l’équation mesurée, de la même façon que le PIB masque la réalité du déficit comptable de la société industrielle.

L’exercice se révéla toutefois plus difficile que pour le PIB car les gestionnaires de santé, ne parvenant pas à écrire une définition intelligible de leur EVBS, en effet qui peut comprendre ce que veut dire : « le nombre moyen d’années de bonne santé que l’on peut espérer vivre au sein de l’indicateur strict de l’espérance de vie (EV) dans les conditions médicales, sociales et sanitaires du moment », personne naturellement et pas même les rédacteurs de ce charabia.

C’est pourquoi, les gestionnaires de santé ont simplifié le problème en sortant un nouvel indicateur dénommé espérance de vie sans incapacité (EVSI), qui est recommandé par l’Union européenne. Bien qu’étant sensiblement plus clair, la valeur de cet indicateur reste néanmoins dépendant de la fiabilité statistique des données médicales d’incapacité (handicap physique ou mental, réversible ou non selon les cas).

Par ailleurs l’ESVI, est à géométrie variable puisqu’on parle tantôt d’EVSI à la naissance et tantôt d’EVSI à 65 ans, ou même d’ESVI à 80 ans (le fameux quatrième âge). Il fait partie de ce que nous dénommerons les indicateurs de deuxième génération regroupés dans la famille des « espérances de santé », et plus précisément des espérances de vie sans incapacité (permanentes ou temporaires, c’est-à-dire « sans être limitée dans ses activités quotidiennes »).

Toutes ces approximations témoignent à l’évidence du profond désarroi des gestionnaires de santé devant la difficulté qu’ils rencontrent pour masquer aux yeux du grand public une aveuglante réalité qui est celle-ci : l’homo industrialis est un grand malade qui ne doit sa survie qu’à la prise de médicaments de plus en plus sophistiqués.

Une autre image, assez fidèle, serait de le représenter comme un boiteux ne pouvant se déplacer qu’à l’aide de sa béquille chimique.

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