Qu’est-ce que la critique “objective” de la croissance ?

Présentation de Christian Laurut suivie d’un débat  le 11/12/2022 à 17h00 sur https://meet.jit.si/decroissance

Suite à différentes remarques qui m’ont été formulées, j’ai jugé qu’il était nécessaire de m’expliquer sur ce que j’entends par « critique objective de la croissance ». En effet, pourquoi parler de critique « objective », plutôt que de critique « tout court » ? Pourquoi vouloir préciser que cette critique va dérouler sous l’angle de l’objectivité ? Toute critique n’est-elle donc pas toujours objective ? Que faut-il entendre par objectivité ? Et, d’abord, l’objectivité est-elle possible dans le domaine de la critique. ? Autant de questions auxquelles je vais m’efforcer de répondre aujourd’hui par cette chronique particulière intitulée « Qu’est-ce que la critique objective de la croissance?”

La raison principale qui m’a amené à insister sur le caractère “objectif” présenté par les différentes analyses que je propose dans cette série de chroniques, c’est que, dans le domaine assez fréquenté, il faut bien le reconnaître, de la critique de la croissance, il existe   deux approches possibles.

La première, c’est ce que j’appelle l’approche subjective, la plus couramment utilisée, voire même la seule connue.

La seconde, c’est ce que je dénomme l’approche objective, plus rare, voire rarissime… Forme de critique que je pense être quasiment le seul à tenter de porter à la connaissance du grand public.

Alors voyons tout d’abord : Qu’est ce que j’appelle critique subjective de la croissance ? Critique subjective que je ne rejette pas, d’ailleurs, que je ne méprise pas, que je dénigre pas, mais que je laisse à d’autres le soin d’entreprendre et de développer sous ses aspects les plus multiples.

La critique subjective de la croissance, en un mot c’est tout simplement dire qu’on « n’aime pas » la croissance, et, précisément pas pour des raisons objectives, par exemple pour des raisons liée à sa non-viabilité, raisons notamment illustrées par la célèbre formule « une croissance infinie est impossible dans un monde fini »,

Non, la critique subjective de la croissance c’est dire qu’on n’aime pas la croissance parce qu’elle est absurde anthropologiquement, indécente socialement, irresponsable écologiquement.

Autant de raisons de ne pas aimer la croissance faisant références à des sciences dites molles : l’anthropologie, la sociologie et l’écologie, qui ne sont pas là pour énoncer des lois imparables, mais pour analyser la vie sur terre à partir de regards humains divers et variés.

Une autre faiblesse, à mon sens, de cette critique subjective de la croissance est qu’elle se concentre sur les externalités négatives (réchauffement climatique, pollution, chute de la biodiversité, etc…) de cette même croissance, tout en négligeant le ou les faits générateurs, un peu à l’image du médecin allopathe qui ne s’occupe que du traitement du symptôme et pas de la cause première de la maladie.

Enfin ce type de critique, qui parfois cherche à se parer du sceau de l’objectivité, tombe le masque lorsqu’elle en vient à déclarer : « quand bien même la croissance n’aurait pas d’externalité négative il faudrait la critiquer quand même et la rejeter quand même ». Cette critique subjective, qui n’est pas la mienne, est une critique de désamour, et toutes les raisons sont bonnes pour crier sa haine de la croissance.

L’approche objective de la critique de la croissance est tout autre. Elle ne part d’aucun a priori, elle ne cherche pas à démontrer que la croissance est bonne ou mauvaise pour le bonheur humain. Elle ne porte pas de jugement sur ses effets secondaires (positifs ou négatifs)

Elle ne s’attache qu’à vérifier si la croissance atteint réellement ou pas les buts qu’elle s’est elle même fixé. Et pour ce faire, la critique objective étudie et en évalue, chiffres à l’appui les résultats que la croissance obtient dans les principaux domaines qu’elle prétend investir : la physique, la comptabilité, la finance, la santé, l’alimentation, la culture, la politqiue.

Et cette analyse objective arrive à la conclusion que, du point de l’atteinte des buts qu’elle s’est elle-même fixés, la croissance est en échec sur toute la ligne.

En d’autres termes ma critique objective de la croissance vise à démontrer que « la croissance, ça ne marche pas », que « la croissance n’a pas d’avenir » et que la croissance mène à une impasse, et précisément du point de vue des croissancistes eux-mêmes.

En d’autre termes encore, la critique objective de la croissance s’adresse à tous les partisans de la croissance (actifs ou passifs), alors que la critique subjective de la croissance ne s’adresse qu’aux objecteurs de croissance, déjà pré-convaincus des conclusions de cette critique.

Cette critique objective de la croissance, je la répartirai en 7 domaines principaux, faisant l’objet de 24 chroniques successives  :

1 – Le domaine physique : partant du fait non contestable que la croissance a voulu domestiquer la physique, je démontrerai qu’elle n’y est pas parvenu : impasse physique, qui fera l’objet d’une seule chronique, cette question fondamentale ayant déjà été largement traitée avec l’étude des travaux de NGR.

2 – Le domaine comptable : partant du fait avéré que le système de la croissance prétend créer du bénéfice d’exploitation je démontrerai que, au contraire et chiffres à l’appui, il génère du déficit : l’impasse comptable sera déclinée en 4 chroniques : Le mirage du PIB / Les relations comptables entre l’Homme et la Nature / Les charges cachées de la société croissanciste / Le remplacement de la comptabilité de flux par la comptabilité de stock

3- Le domaine financier : partant du fait que, pour remplacer le système du troc, puis de l’étalon-or,   la croissance a prétendu créer un instrument d’échange magique et universel, je démontrerai que celui-ci est au bord de l’implosion. Impasse financière qui sera déclinée en 3 chroniques : Le spectre du dépôt de bilan / Le masquage du déficit / La cavalerie bancaire institutionnalisée

4 – Le domaine sanitaire : la santé est indéniablement l’un des chevaux de bataille privilégiés du système de la croissance, qui ne cesse de publier des communiqués de victoire contre le soi-disant fléau de la maladie humaine et se targue même de pouvoir lutter contre l’inéluctabilité de la mort biologique. La réalité est malheureusement toute autre, et je démontrerai que, en dépit des rodomontades des zélateur de la croissance, la santé de l’homme n’a cessé de se dégrader depuis l’avènement de la société industrielle, et ce, non pas avec des arguments de ressentis, mais avec des des données chiffrées et factuelles. C’est l’impasse sanitaire qui sera déclinée en   3 chroniques : Qu’est-ce que la santé ? / L’impossible débat avec la médecine croissanciste / Quelle santé pour demain ?

5 – Le domaine alimentaire : tout le monde entend dire que la croissance a installé un système durable de production alimentaire pour nourrir 10 milliards d’individus, mais je démontrerai que cette affirmation est largement fallacieuse et que la faillite de ce système est toute proche, avec un déficit plus que probable de la production alimentaire dans les prochaines décennies. C’est l’impasse alimentaire qui sera déclinée en 3 chroniques : La troisième transition alimentaire / Le pouvoir politique fondateur de l’agriculture croissanciste / Que mangerons-nous demain ?

6 – Le domaine culturel : la croissance prétend qu’elle a contribué à   développer l’esprit humain depuis son avènement, mais, au contraire, je démontrerai qu’elle a provoqué une régression de la capacité de réflexion de l’homme en m’appuyant, encore une fois sur des constatations factuelles et non sur des impressions ou des ressentis. C’est l’impasse culturelle qui sera déclinée en 3 chroniques : Qu’est-ce que la culture ? / La croissance en tant que fait culturel / Les promoteurs de la culture croissanciste

7 – Le domaine politique : La croissance en tant que système planétaire et universel et en l’absence de toute autre alternative visible ou pressentie, n’hésite pas à affirmer qu’elle est de nature téléologique, cad, en terme plus trivial, que tous les chemins mènent à la croissance, et, traduit en terme politique cela se nomme tout simplement la fin à l’histoire, et accessoirement la fin de toutes les oppositions. Mais, là encore, la réalité est toute autre et je démontrerai que, bien loin d’avoir ferme la porte à tous les projets alternatifs d’organisation sociétale, elle a installé une situation prérévolutionnaire qui prédispose à leur apparition. C’est l’impasse politique qui sera délinée en 4 chroniques : Qu’est-ce que la politique ? / Les chemins de la résilience / Les forces contraires / Quelle politique pour demain ?

Alors, on pourrait être surpris, et donc on pourrait me reprocher de ne pas avoir ouvert de domaine social dans ce réquisitoire thématique contre la croissance, en pointant le fait peu contestable que les inégalités sociales n’ont eu de cesse de se creuser durant l’avènement de la société de la croissance.

Mais la raison en est bien simple : c’est que la croissance n’a jamais promis qu’elle allait le faire, la croissance n’a jamais promis qu’elle allait réduire les inégalités sociales. La croissance a simplement dit que l’enrichissement de quelques uns profiterait mécaniquement à tous les autres (sa fameuse théorie du ruissellement), ne se préoccupant que de richesse en valeur absolue (le niveau de vie) et pas en valeur relative (l’écart des revenus).

De ce point de vue, et donc de son point de vue, la croissance a parfaitement atteint le but qu’elle s’était fixé, et donc on ne peut pas la critiquer de façon objective, mais on ne le peut que de façon subjective, terrain trop facile que je laisse volontiers à d’autres.

 

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