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Critique objective de la croissance, par Christian Laurut – Chronique n°17 – Rubrique : L’impasse alimentaire – Sujet : Que mangerons-nous demain ?
Nous avons indiqué, dans les deux précédentes chroniques consacrées à l’impasse alimentaire de la société de la croissance, que cette fameuse « sécurité alimentaire » dont se gaussent les thuriféraires de la croissance est en réalité sérieusement menacée sur le plan quantitatif, notamment par la chute des rendements et la dégradation des sols arables. Eh bien nous devons ajouter à ce triste tableau que cette sécurité alimentaire est également menacée dans ses aspects qualitatifs, c’est à dire pour ce qui concerne la qualité des aliments que nous ingérons quotidiennement et dont la dégradation est évidente.
Mais attention, quand nous parlons de dégradation qualitative, nous ne parlons pas d’une éventuelle dégradation organoleptique, de la perte du goût savoureux de tel ou tel fruit ou légume, éléments subjectifs toutefois validés par l’opinion publique dans son ensemble, mais, somme toute, de faible importance et de faible impact sur notre vie quotidienne.
Non, nous parlons de l’incorporation de nouveaux composants dans les produits issus de l’agriculture industrielle qui sont de nature à mettre en danger tout simplement la survie de l’espèce.
Cette modification de la structure interne des aliments que nous ingérons, notamment la présence de résidus de fongicides, herbicides et pesticides notoirement toxiques, sans parler des mutations génétiques des souches de semences qui désorientant l’organisme en créant des intolérances de plus en plus graves, a déjà été abordé dans la conférence précédente sur l’impasse sanitaire.
Le lien direct entre la santé de l’homme et son alimentation n’est plus à démontrer, car nous savons bien, notamment depuis Hyppocrate, que notre santé est dans notre assiette.
Or, la France, par exemple, première puissance agricole européenne, est également championne du taux de pesticide contenu dans le sang de ses habitants. Selon une étude de l’Institut de veille sanitaire, ils sont présents à des niveaux au moins trois fois plus élevés que dans celui des Américains ou des Allemands.
En agriculture industrielle, une pomme, par exemple, subit en moyenne 35 traitements phytosanitaires. Herbicides, insecticides, fongicides… Les pomiculteurs peuvent choisir parmi plus de 2.500 produits toxiques. La plupart des pesticides sont déposés directement sur le fruit par pulvérisation : la peau est ainsi gorgée de substances chimiques .
Or le traitement par plusieurs produits déclenche que qu’on nomme un effet cocktail : cad. lorsque des molécules différentes entrent en interaction, leurs effets peuvent s’en trouver démultipliés.
L’association Greepeace a publié en juin 2015 un rapport intitulé “Pommes empoisonnées – Mettre fin à la contamination des vergers par les pesticides grâce à l’agriculture biologique“, expliquant que les producteurs de pommes continuaient à utiliser des cocktails de pesticides dans de nombreux pays européens.
Attaqué en diffamation par L’association nationale des producteurs de Pomme Poire (ANPP), Greenpeace a néanmoins eu gain de cause auprès le tribunal de grande instance de Paris en mars 2017. Dans son ordonnance, la juge Catherine David, statuant en référé, a estimé que “ ce n’est pas la réputation de la pomme qui est mise en cause“, “mais celle des pesticides utilisés pour cultiver les pommes, ce qui n’est pas objectivement contestable“. L’ordonnance faisait même valoir que “le consommateur est doué de raison et sait pertinemment que si les sols et l’eau sont contaminés, les produits agricoles qui poussent sur ces sols à l’aide de cette eau le sont également”. Si bien que “dire que les pommes sont empoisonnées lorsqu’elles poussent sur des sols remplis de pesticides ne constitue pas un propos dénigrant, dès lors qu’il s’appuie sur une base factuelle réelle, même si le rapport n’est pas construit avec une rigueur toute scientifique”.
Cette affaire prouve que, même la justice d’un pays oligocratique croissanciste, est bien obligée de reconnaître la vérité quand celle-ci est criante.
Mais le pouvoir judiciaire n’est pas le pouvoir législatif, pouvoir législatif qui, rappelons-le est l’apanage et la chasse gardée d’une minorité restreinte aux ordres des puissances économiques et financières, pouvoir législatif qui peut faire et défaire le pouvoir judiciaire en modifiant la loi, du jour au lendemain.
Car il ne faudrait pas croire que la vérité suffise pour instruire la décision politique. Dans cette affaire d’empoisonnement généralisé de la population par l’alimentation industrielle, c’est encore et toujours la loi du profit qui règne en maître.
La preuve la récente action, en septembre 2020, du lobby des betteraviers, betterave culture intensive et industrielle s’il en est, pour faire modifier la loi interdisant l’utilisation des NÉONICOTINOÏDES afin d’obtenir une dérogation au motif que les récoltes sont menacées par le développement du puceron vert, à l’origine de la jaunisse des plantes.
Cette décision législative emblématique montre la limite, pour ne pas dire l’imposture, des déclarations environnementalistes des gouvernements croissancistes qui s’empressent de faire machine arrière dans le domaine de la protection de la santé publique, dès que les enjeux financiers sont en cause.
Cette affaire exemplaire, confirme également la duplicité et l’hypocrisie du pouvoir croissanciste dans sa soidisant promotion de l’agriculture dite biologique. Il suffit pour s’en convaincre de consulter en détail le cahier des charges du fameux label AB agréé et promu par le pouvoir capitaliste croissanciste dans le seul but de se construire un alibi écologique, représenté en l’espèce par la petite merveille dénommée « Règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil de l’Union Européenne du 28 juin 2007 dans lequel nous découvrons, en 23 pages et 1840 lignes, l’habile façon d’édicter des règles applicables à l’agriculture dite « biologique » en prenant surtout bien garde de ne pas trop l’éloigner de l’agriculture dite « intensive ».
Nous ne rentrerons naturellement pas dans une analyse critique détaillée de ce règlement, ce qui nous amènerait à une série de considérations par trop techniques,
nous nous contenterons de noter qu’il est permis, avec ce label AB, d’utiliser des intrants chimiques de synthèse dans des cas exceptionnels, qui en fait ne le sont pas (exceptionnels) puisque
- 1) s’il n’existe pas de pratiques de gestion appropriées, on peut utiliser les intrants chimiques du marché
- 2) si les intrants extérieurs classés bio ne sont pas disponibles sur le marché, on peut utiliser les intrants chimiques du marché, qui eux sont sur le marché
- 3) s’il n’existe pas d’autre solution, on peut utiliser les intrants chimiques du marché
Nous découvrons ainsi une nouvelle façon de fabriquer la loi coercitive qui pourrait se résumer ainsi : « telle chose est interdite, sauf s’il n’existe pas d’autre solution ….. » .
C’est ainsi que, démasquées de leur imposture, ces 23 pages et 1840 lignes du Règlement européen pourraient, en réalité, être ramenées à ces quelques lignes, à peine caricaturales :
Les instances autorisées à légiférer sur l’agriculture biologique considèrent que le mode de production intensif basé sur l’utilisation des ressources fossiles non renouvelables est le seul permettant aujourd’hui de nourrir à bas prix les populations grandissantes en nombre. Toutefois, et afin de satisfaire à la tocade d’un petit effectif de personnes polarisées sur le terme « naturel », un label est créé réglementant les modes de production des produits dits « naturels ». Le principe retenu est d’établir une liste de 10.000 substances, choisies parmi les moins outrageusement chimiques, produites par l’industrie phytosanitaire conventionnelle et d’autoriser leur emploi, tout en permettant de recourir à toutes les autres substances de synthèse si les rendements devaient en être affectés.
Pour être complets sur le sujet, nous devons préciser que cette agriculture bio de mascarade est adoubée par tous les partis dits écologiques de l’échiquier oligocratique, ces partis verts dits « de gouvernement (EELV, et autres), qui se révèlent être, en la matière, de fidèles serviteurs du capitalisme croissanciste, de l’écolobusiness, du green business, ou encore du capitalisme vert, selon le terme que vous préférez. Il ne faut donc compter sur eux pour rétablir la santé dans notre assiette.
Le péril logistique de l’agriculture croissanciste
Mais afin d’être exhaustif sur la question de l’impasse alimentaire, après avoir pointé les risques quantitatifs et les risques qualitatifs qui pèsent sur la production alimentaire mondiale, avec la quasi bénédiction des partis écologistes dits « de gouvernement », il nous faut parler maintenant d’un autre type de risque : le risque logistique, qui affecte plus particulièrement les pays développés et qui est directement lié à la concentration urbaine.
Cette concentration urbaine généralisée qui n’a fait que s’accentuer depuis les dernières décennies avec la formation de mégapoles compactes, que certains n’hésitent pas désormais à qualifier de cloaques urbains.
Exemples :
- la population de la région parisienne qui compte 12 millions d’habitants et représente 18% de la population française,
- la population de la région londonnienne compte 15 millions d’habitants et représente 23% de la population de la Grande Bretagne.
Cette concentration urbaine qui est une aberration écologique à plusieurs titres, mais tout particulièrement au titre de l’équilibre et de la sécurité alimentaire. En effet, si déjà dès le début du 20ème siècle l’accroissement urbain avait commencé à rompre avec la loi ancestrale qui veut qu’une ville se doit d’être autosuffisante d’un point de vue alimentaire grâce au potentiel de sa ceinture agricole, maraîchère, céréalière et d’élevage, et ce afin de pouvoir assurer sa pérennité,…
Eh bien, ce mouvement s’est largement amplifié après la seconde guerre mondiale, pour atteindre rapidement le point de non-retour ratifié et scellé, si l’on peut dire, par le bétonnage des ceintures agricoles urbaines, socle des zones pavillonnaires ou, terme consacré, par l’artificialisation des terres arables qui a désormais enfoui à jamais sous le bitume la crème de nos terres fertiles.
Ainsi, la France a perdu un quart de sa surface agricole sur les 50 dernières années, et c’est la surface d’un terrain de football qui disparaît toutes les 5 minutes.
Ces éléments aggravent mathématiquement le risque quantitatif en faisant diminuer les surfaces cultivables, mais il fragilise considérablement la logistique alimentaire des concentrations urbaines dont l’approvisionnement est devenu désormais dépendant à 100% des transports, donc du pétrole, puisque les aliments proposés aux masses urbaines sont désormais produits très loin de leur lieu de consommation.
On estime généralement que les grandes mégapoles, comme Paris par exemple où 40.000 camions semi-remorques entrent et sortent de Rungis par jour, n’ont que 2 à 3 jours d’autonomie alimentaire.
Alors, qu’adviendra-t-il lorsque le pétrole viendra à manquer ? Mieux vaut se contenter de poser la question que de chercher à y répondre….
Y a t-il des solutions ?
A la lumière de tous ces éléments, pouvons nous quand même imaginer des solutions pour parer aux risques quantitatifs, qualitatifs et logistiques de l’alimentaire humaine ? Certes, nous avons déjà, dans nos propos précédents, amorcé des débuts de pistes, mais toutes contiennent un certain nombre de paradoxes internes leur conférant, malheureusement et définitivement, une nature d’impasse.
Paradoxes attachés aux facteurs quantitatifs
- la baisse des rendements ne pourra être stoppée qu’en régénérant les sols, ce qui nécessitera un temps de latence, donc un manque à gagner en terme de production
- une fois les sols régénérés, il faudra reprendre le système d’assolement pour ne pas retomber dans un mode monocultural qui les épuiserait à nouveau, les surfaces cultivées seront donc plus faibles et la production diminuera donc d’autant
- la raréfaction des engrais chimiques consubstantiellement à celle des hydrocarbures, aura pour conséquence une diminution des rendements donc de la production finale
- la raréfaction des produits phytosanitaires de synthèse, également tributaires de la pétrochimie des hydrocarbures (fongicides, herbicides, pesticides), aura également pour conséquence une diminution des rendements donc de la production finale
Paradoxes attachés aux facteurs qualitatifs
Les quatre facteurs aggravants du risque quantitatif que nous venons de citer : régénération des sols, abandon de la monoculture, raréfaction des engrais et des autres intrants de synthèse, sont par contre, et c’est bien là le seul point positif de cet état des lieux prospectif, chacun d’entre eux et tous ensemble, de nature à améliorer la qualité de notre alimentation en faisant diminuer la toxicité des produits agricoles et donc, en améliorant la santé de l’espèce humaine.
Le revers de cette médaille, c’est que cette amélioration qualitative inéluctable de l’alimentation liée à l’approvisionnement contraint en produits fossiles s’accompagnera automatiquement d’une baisse symétrique des rendements, puisque libérée, ou privée (selon la façon dont nous voulons le dire) d’amendements et de traitements pétrochimiques, la production agricole va nécessairement chuter.
Il est un fait, pourtant, que cette loi de proportionnalité inverse entre le qualitatif et le quantitatif est contestée par un certain nombre de tenants de ce que nous pourrions nommer l’écologisme béat, et qui, en toute bonne foi, prétendent que l’agriculture dite biologique est en mesure d’obtenir les mêmes rendements, voire même plus, que l’agriculture industrielle et donc serait capable de nourrir sans problème 10 milliards d’êtres humains.
Cette idéologie mérite que nous nous y arrêtions un instant et , à ce propos, je dois indiquer que j’ai personnellement pratiqué l’agriculture biologique pendant 15 ans en tant qu’exploitant agricole, et ce, dans la période de ses débuts avec notamment le label Lemaire Boucher (disparu aujourd’hui) et la mention Nature et Progrès.
De ce point de vue, nous pourrions dire que l’agriculture biologique est à l’agriculture ce que la démocratie directe est à la démocratie, en ce sens que l’agriculture biologique est la vraie, la seule, agriculture de même que la démocratie directe est la seule, la vraie démocratie. Cette usurpation sémantique par la caste des marchands qui ont transformé l’agriculture en industrie mais en conservant la racine étymologique, est de même nature que celle de ces mêmes marchands qui ont maquillé la démocratie en oligocratie.
Ainsi que l’a écrit NG Roegen, cet économiste de la décroissance dont nous avons déjà beaucoup parlé dans les chroniques traitant de l’impasse physique et comptable, l’agriculture, en réalité, ne peut être autre chose que biologique (ou organique en anglo-saxon). Dit autrement et encore plus clairement, l’agriculture biologique, c’est tout simplement l’agriculture d’avant le pétrole, c’est à dire celle qui a été insaturée depuis la révolution néolithique il y a environ 10.000 ans.
La foi affichée par certaines chapelles d’écologistes « dits décroissants » en les possibilités d’une agriculture biologique pouvant obtenir des rendements identiques à ceux de l’agriculture industrielle est touchante, mais elle doit être dénoncée car les citoyens responsables ont gagné le droit de regarder les réalités en face afin d’être en mesure de construire leur avenir en toute connaissance de cause.
Cette croyance quasi-mystique en la capacité d’une agriculture bio d’égaler les rendements de l’agriculture industrielle, outre qu’elle s’accompagne toujours du refus de prendre en compte la problématique démographique, se base généralement sur l’illusion de projections économétriques hasardeuses à partir de micro-expériences non extrapolables à grande échelle.
La récente affaire des betteraviers et de leurs pucerons dévastateurs, dont nous venons de parler, est là pour nous rappeler que, sans l’apport de produits de traitements phytosanitaires de synthèse, les rendements agricoles ne peuvent que chuter.
Par ailleurs, nous avons déjà indiqué que le terme agriculture biologique revêtait une certaine ambiguïté dans la mesure où tout dépend du cahier des charges qui y est attaché.
De ce point de vue, nous pourrions même dire que le label AB, par ses aspects extrêmement permissifs, n’a de bio que le nom et que, dans le cas de l’application de règles strictes de bannissement radical de tout intrant de synthèse, l’agriculteur pourrait bien en être réduit à récolter ce que les aléas naturels voudront bien lui laisser.
En poussant encore un peu plus loin notre raisonnement, nous devons considérer que le fait agricole originel lui même, c’est à dire la tentative de domestication de la nature par l’incommensurable orgueil de l’homo industrialis est déjà, au départ, un acte anti-écologique en ce sens qu’il modifie les lieux et conditions d’existence, ainsi que les rapports humains à l’environnement.
L’acte agricole, c’est à dire la fabrication par l’homme de sa propre nourriture, constitue déjà objectivement une modification artificielle des écosystèmes qui fait entrer l’espèce humaine dans un dispositif global non prévu, et non voulu par la nature. Et il n’est pas garanti non plus que la nature accepte indéfiniment de se laisser faire, de se laisser domestiquer au gré de la volonté humaine.
Elle semble d’ailleurs présenter dores et déjà de légers signes d’agacement que tout le monde peut voir et sur lesquels nous ne nous étendrons pas.
Enfin, il ne faut pas oublier non plus, et même si possible garder en permanence à l’esprit que ce dont nous parlons, c’est à dire la période agricole, pétrolière ou non, biologique ou non, ne représente qu’une toute partie de l’histoire humaine : 10.000 ans sur 300.000 ans, ou 10.000 ans sur 2 millions d’années selon le type de repère choisi.
Ce qui est finalement peu de chose comparé à la durée de vie des dinosaures qui ont gambadé allégrement sur la planète pendant 160 millions d’années et qui y gambaderaient sans doute encore, sans pratiquer d’agriculture d’aucune sorte, si un météorite aléatoire n’était pas passé un jour par là,….
Enfin et pour en terminer avec cet inventaire des différents facettes de l’impasse alimentaire dans laquelle la société de la croissance s’est engagée, nous énoncerons trois prémisses :
- Etant donné le fait non contestable que le pétrole constitue actuellement le carburant unique du transport de marchandises par route, véritable réseau veineux de la société industrielle, et que ce transport routier assure la quasi totalité de la logistique alimentaire de l’homo industrialis, depuis l’acheminement des récoltes vers les installations de traitement et de stockage, jusqu’à la livraison dans les magasins de détail, en passant par les centres de gros,
- Etant donné le fait également non contestable qu’il n’existe pas, à ce jour d’alternative de substitution au pétrole pour ce genre d’utilisation,
- Etant donné le fait, dont on attend qu’il soit éventuellement contesté, que les villes actuelles ne sont plus autosuffisantes en raison de la disparition sous le béton de leur ceinture agricole vivrière et que l’alimentation de leurs habitants est donc suspendue à la disponibilité en pétrole,
A partir de ces trois prémisses, nous pouvons tirer deux conclusions alternatives, à choisir en fonction de la façon que chacun peut avoir d’envisager les choses :
- Si nous croyons que le déclin quantitatif de la disponibilité en pétrole va survenir sous un certain délai restant à préciser, alors nous devons juger que la sécurité alimentaire des concentrations urbaines est largement hypothéquée, et qu’elle le sera d’autant plus lourdement que les villes seront plus grande.
- Si nous croyons, au contraire, que le pétrole va rester indéfiniment disponible, ou bien si nous sommes persuadés que les experts vont découvrir un autre carburant au potentiel équivalent, alors il n’y a pas de souci à se faire et nous pouvons dormir tranquillement sur nos deux oreilles.
Chacun aura naturellement compris, que seule la première conclusion est réaliste. La seconde tient du rêve.
Pour étayer cet inventaire des risques potentiels liés à la sécurité alimentaire de la planète, nous avons livré des chiffres et développé des arguments précis, auxquels d’aucuns s’efforceront sans doute d’opposer des rêves ou des croyances pieuses.
Compte tenu de l’importance dramatique des enjeux, nous ne saurions les en blâmer si leur propos se révélait simplement guidé par la sincérité naïve et spontanée semblable à celle des rêveurs éveillés, des écologistes béats dont nous venons de parler.
Malheureusement, les propos de nombre de nos contradicteurs se révèlent, au contraire, sous-tendus par le dessein machiavélique de fourvoyer la majorité de nos concitoyens dans des certitudes nécessaires à la poursuite des activités lucratives de l’idéologie capitaliste croissanciste.
Pour notre part, nous nous sommes objectivement efforcés de montrer que les options prises par l’agriculture industrielle ne paraissaient pas de nature à permettre de nourrir les dix milliards d’homos industrialis prévus pour demain et avons, de plus, émis de sérieux doutes sur les possibilités d’inverser cette tendance lourde suivie par le capitalisme croissanciste dans le domaine de la production alimentaire.