Contribution par Christian Laurut
Orientations stratégiques du mouvement
I. Option fondamentale
Le mouvement ne vise pas l’accession au pouvoir. Il poursuit une mission d’alerte et d’éducation populaire portant prioritairement sur cinq thèmes privilégiés :
II. Les cinq thèmes privilégiés
1 – L’inéluctabilité de la décroissance :
Soutenir l’idée que la décroissance n’est pas une idéologie, ni une philosophie, ni, encore moins, une religion, mais que c’est une réalité prochaine, une évolution inéluctable quoi qu’on fasse liée à la simple application des lois de la physique dont la société industrielle a cru pouvoir s’affranchir, évolution dont la première phase est sans doute déjà amorcée mais qui n’est pas visible à l’oeil nu. La date de survenue de la phase visible de cette évolution inéluctable dépendant toutefois d’un certain nombre de facteurs et, de ce fait, ne pouvant pas être fixée avec précision.
Démontrer, chiffres à l’appui, que le système de la croissance est proche d’un état de banqueroute généralisée, c’est à dire d’une rupture fatale.
Dire et répéter que la question qui se pose à nous n’est pas tant de savoir si nous sommes pour ou contre la décroissance, mais bien plutôt de savoir comment nous allons pouvoir nous adapter au déclin inéluctable de notre système industriel, tout en évitant l’effondrement.
2 – La critique radicale et globale de la croissance :
Expliquer que la société de la croissance conduit à l’échec dans pratiquement tous les domaines (notamment le domaine de l’application des lois de la physique, et dans les domaines comptable, financier, sanitaire, alimentaire, culturel, social, politique). De ce point de vue notre critique s’entend comme un diagnostic réel portée sur une société souffrant d’une maladie incurable : la croissance. Cette critique se veut objective et non pas subjective.
Exemples de critiques subjectives :
- je n’aime pas la croissance parce que je désire un monde,
- je n’aime pas la croissance parce je veux conserver notre vie sociale,
- je n’aime pas la croissance parce que le monde de la croissance est absurde anthropologiquement, indécent socialement, irresponsable écologiquement.
Exemples de critiques objectives :
- la croissance a voulu domestiquer la physique, mais c’est un échec (impasse physique)
- la croissance a voulu faire du bénéfice, mais elle génère du déficit (impasse comptable)
- la croissance a voulu créer un instrument d’échange magique, mais celui-ci est au bord de l’implosion (impasse financière)
- la croissance a voulu améliorer la santé de l’homme, mais en réalité elle l’a dégradée (impasse sanitaire)
- la croissance a voulu installer un système durable de production alimentaire pour nourrir 10 milliards d’individus, mais la faillite de ce système est toute proche (impasse alimentaire)
- la croissance a voulu développer l’esprit humain, mais, au contraire, elle a provoqué une régression de sa capacité de réflexion (impasse culturelle)
- La croissance a voulu mettre fin à l’histoire, mais au contraire elle a installé une situation prérévolutionnaire (impasse politique)
3 – La consubstantialité de la croissance et du capitalisme :
Expliquer que le capitalisme est le fait générateur essentiel de la croissance et qu’il est l’activateur principal de sa durabilité. Ce qui, du même coup, identifie la critique radicale de la croissance à une critique radicale du capitalisme, dont il conviendra d’établir notre définition claire et exhaustive.
4 – La consubstantialité du capitalisme et de la démocratie représentative (oligocratie) :
Expliquer que le capitalisme s’exprime politiquement à travers un système oligocratique, qui réserve le pouvoir de fabriquer les lois, c’est à dire plus globalement toutes les règles coercitives, à un groupe restreint, une minorité de personnes, la plupart du temps même pas élues.
5 – Le programme « Demain La décroissance » :
Expliquer que ce programme ne s’adresse qu’à des citoyens déjà convaincus au préalable de l’inéluctabilité de la croissance (ou de la non durabilité de la croissance) c’est à dire ayant déjà été convaincus par les argumentations développées dans les quatre thèmes précédents. De ce point de vue, le programme n’a pas pour objectif de chercher à convaincre, mais de proposer un schéma de travail pour la construction d’un déclin considéré comme acquis.
Expliquer que ce programme est un programme global, et complet, de révision du corpus législatif, c’est à dire de la constitution et des codes juridiques.
Montrer en quoi il est différent des habituels programmes politiciens, dans la mesure où il n’est pas constitué d’un catalogue de mesures particulières pouvant être incorporées ici ou là dans le système actuel, mais que, à l’instar de la critique globale de la croissance, il est un ensemble indissociable, devant être considéré et débattu comme un tout.
Expliquer que ce programme propose notamment un train de mesures législatives empêchant le capitalisme d’exister, ou plus exactement, un série d’abrogations de lois et règlements qui lui ont permis de naître, de se développer et d’engendrer la croissance. En bref, montrer que ce programme permet de sortir radicalement du capitalisme en rompant avec lui.
III. Stratégie de réponses aux objections
Le programme n’est pas une « solution »
A ceux qui nous demanderont quelles solutions nous proposons, à travers le programme Demain La Décroissance notamment, nous devons répondre que ce programme n’est qu’un exemple de dispositif adaptatif pour une société qui aurait pris conscience de l’inéluctabilité de la décroissance et qui désirait entrer dans une société de l’après croissance en se donnant le maximum de chance de se préserver d’un effondrement fatal.
Nous devons leur préciser que, face à l’impasse de la croissance, l’étape des solutions n’est pas encore d’actualité et qu’il faut d’abord passer par cette étape préalable de la prise de conscience populaire de l’inéluctabilité de la décroissance, et que nous en sommes encore, malheureusement, assez loin.
Nous ne devons pas nous laisser entraîner dans des débats contradictoires de nature solutionniste, où on nous demanderait d’échanger à l’infini des arguments pour ou contre telle mesure particulière à introduire dans le système actuel afin qu’il aille un peu mieux. Nous laisserons ce terrain de jeu aux réformistes.
Notre conception de la politique : la « juste analyse » pas le « marketing »
A ceux qui nous objecteront que notre programme est trop extrémiste (ou utopique), et « qu’il ne passera jamais », objection formulée soit par des gens tentés de nous soutenir (mais freinées par ce pronostic de faible audience), soit par des détracteurs qui utiliseront ce qualificatif comme une marque de mépris, nous répondrons aux premiers que notre conception de la politique n’a rien à voir avec le marketing mais qu’elle est guidée par la recherche permanente de la « juste analyse ». De ce fait, notre succès ne sera pas à rechercher dans notre indice d’audience ponctuelle, mais dans notre capacité à ne pas être mis en défaut dans notre argumentation par aucune critique argumentée et de bonne foi.
L’utopie n’est pas de notre côté
Aux seconds contradicteurs, nous répondrons que l’utopie n’est pas de notre côté, mais plutôt du côté de ceux qui considèrent que le système actuel peut « durer » encore longtemps.
L’illusion du réformisme
A ceux qui nous objecteront que notre programme propose des changements radicaux et multiples, alors que le changement politique doit plutôt se faire par petites touches successives et progressives, nous répondrons que l’argument présentant le changement progressif comme un axiome politique est caractéristique des réformistes bon teint, quelque soit d’ailleurs leur étiquette-alibi souvent trompeuse et qu’en politique politicienne les imposteurs sont légion, qui se complaisent à amalgamer radicalisme des idées et violence des actes, en pensant ainsi discréditer toutes les options révolutionnaires.
Nous ajouterons que cet axiome réformiste ainsi énoncé est, d’une part invalidé par l’histoire, et, d’autre part, inadapté à la situation du système capitaliste croissanciste dont nous démontrerons, chiffres à l’appui, qu’il est proche de la faillite généralisée, c’est à dire d’une rupture, dont tout aménagement réformiste ne pourrait que décupler l’ampleur et dont seul un programme radical et global, comme celui que nous proposons, aurait une chance de minimiser les dégâts humains.