46 – Classification des différences tendances décroissantes

Contribution par Christian Laurut

Il est un fait avéré que la mouvance décroissante n’est pas homogène et que toutes ses composantes sont loin de poursuivre le même but dans le cadre de leur engagement politique. En effet, de la frange décroissante façon greenwashing d’EELV, à l’eschatologie apolitique des effondristes, en passant par le clientélisme semi-décroissant de la France Insoumise, le mot magique de « décroissance » est utilisé à des sauces diverses et variées, pas toujours très claires, et souvent teintées d’alibi occultant des desseins de pure politique politicienne.

A l’instar de Voltaire déclarant : «gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge», nous ne devons pas pêcher par excès de naïveté et nous jeter dans les bras du premier décroissant venu (ou l’accueillir dans les nôtres), au risque de nous perdre dans la confusion des idées, au mieux, ou dans l’erreur de trajectoire politique, au pire.

Ainsi, dans le monde impitoyable de la politique où la plupart des acteurs avancent masqués (et parfois même, paradoxalement, à leur insu), il importe de pouvoir distinguer, dès le premier coup d’oeil, nos amis de nos adversaires.

Pour ce faire, nous avons besoin d’établir un cahier des charges très précis permettant de déterminer facilement qui est décroissant et qui ne l’est pas (de notre point de vue), mais aussi et surtout, qui prétend être décroissant mais qui ne l’est pas en réalité, catégorie assez répandue que nous qualifierons du terme générique d’imposture.

Ceci étant posé, nous ne devons pas contester pas qu’il puisse y avoir plusieurs acceptions du terme décroissant, correspondantes chacune à des conceptions ou visions différentes de la décroissance.

Ce que nous devons contester par contre, c’est que telle vision puisse s’arroger le droit de revendiquer pour elle seule la paternité, ou la propriété du terme comme nous le voyons faire par certaines mouvances dont certaines n’hésitent pas à décerner des certificats de décroissance du haut de leur chapelle particulière.

Dans la réalité, n’importe qui peut se déclarer décroissant dans la mesure où l’utilisation du terme n’est pas protégée par une réglementation quelconque.

Cette situation n’est d’ailleurs ni gênante, ni choquante dans la mesure où elle ne fait que traduire une liberté d’expression dont la limitation (souhaitée par certains) serait manifestement inquiétante pour la démocratie. La question n’est donc pas de savoir qui a le droit d’utiliser le mot décroissant, ou qui a le droit de s’intituler « mouvement de la décroissance », mais bien de savoir de quoi nous parlons lorsque nous parlons de décroissance.

La première chose que nous devons faire, c’est donc de formuler notre propre définition de la décroissance, tout en admettant que d’autres puissent en formuler de différentes, sans que pour autant nous soyons fondés à leur reprocher d’utiliser ce terme sous une autre acception, au prétexte que nous considérerions notre définition comme la seule valable.

Bien plus nous devons exiger la réciproque de nos voisins, c’est à dire qu’ils fassent l’effort de définir clairement leur décroissance, d’une part, et qu’il acceptent de ne pas revendiquer le droit exclusif d’utilisation du terme, d’autre part.

C’est ainsi qu’un débat salutaire doit s’engager entre tous les courants se revendiquant de la décroissance et devant aboutir : soit à une définition commune du concept de décroissance, soit à un constat d’approche multiforme du concept (chaque approche faisant alors l’objet d’une définition particulière).

Une telle démarche apporterait une clarification nécessaire au niveau du grand public qui pourrait ainsi se positionner plus facilement par rapport à des discours paraissant similaires sur la forme, mais en réalité souvent radicalement dissemblables le fond.

Cette définition nécessaire de telle ou telle décroissance ne peut se satisfaire de quelques mots, ni même de quelques lignes. Elle doit consister en une formulation claire de l’idéologie qu’elle recouvre, car la décroissance est bien un « système d’idées générales constituant un corps de doctrine philosophique et/ou politique pouvant servir de base à un comportement individuel ou collectif », définition couramment admise du terme idéologie.

Et ce n’est qu’à partir de cet effort de synthèse que nous pourrons, par comparaison avec des formulations concurrentes, déterminer les points de rapprochement et d’achoppement de la façon la plus précise.

Cette clarification permettra de fournir au grand public une grille de lecture des différentes interprétations possibles de la décroissance, mais également, et surtout, permettra, pour nous-mêmes, de définir très précisément l’interprétation que nous revendiquons de la décroissance.

Cette classification nécessaire pourrait s’articuler autour de la liste propositionnelle suivante, charge à une commission ad hoc de détailler  les différents critères (dénominations, slogans, adeptes, arguments, actions, traduction politique) relatifs à chaque option :

Option 1 – Décroissance interprétée comme objectif permettant de changer le mode de vie actuel par un mode de vie meilleur

Option 2 – Décroissance interprétée comme objectif permettant de réduire, voir d’annuler, un certain nombre d’externalités négatives de la croissance

Option 3 – Décroissance interprétée comme argument économique permettant de développer des activités lucratives censées l’éviter

Option 4 – Décroissance interprétée comme argument politique permettant d’élargir sa base électorale

Option 5 – Décroissance interprétée comme résultante inéluctable du processus industriel et comme première phase plus ou moins rapide d’un effondrement sociétal, également inéluctable

Option 6 – Décroissance interprétée comme résultante inéluctable du processus industriel et pouvant être encadrée par un nouveau système économico-politique pour éviter l’effondrement