41 – Pour une éthique du débat contradictoire à l’oral

Contribution de Christian Laurut – Amendements de Vincent Bruyère en rouge

La pratique bi-hebdomadaire de nos réunions fait apparaître certains faits de débat qu’il me paraît pertinent d’étudier afin d’améliorer la qualité, mais surtout la productivité de nos échanges. Dans cette optique, je propose d’inscrire certaine règles de débat dans notre règlement interieur concernant les comptes rendus des conseils d’administration, qui pourrait alors être renommé tout simplement “Règlement intérieur”. Ces règles seraient les suivantes :

Principe du débat argumenté : un débat argumenté est un moyen pour tout individu d’exprimer son point de vue dans le cadre d’un échange régi par des règles. C’est une discussion entre différentes personnes sur une question controversée où chaque participant doit savoir maîtriser sa parole, laisser la place à celle de l’autre, comprendre son point de vue, même quand il ne le partage pas et chercher à convaincre en argumentant. Il s’agit donc d’un échange dont chacune des parties peut tirer profit et non d’un affrontement avec un gagnant et un perdant.

Règle n°1 : Le participant qui souhaite intervenir se signale à l’animateur qui l’inscrit sur la feuille de parole à la suite des demandeurs précédents. Il lui donnera la parole après que les demandeurs précédents se soient exprimés.

Seulement si le temps de parole est partagé et l’animateur est tournant donc mesure des temps de parole (cf. maitre du temps)

Règle n°2 : Le participant qui intervient ne doit pas être interrompu avant d’avoir terminé.

Précisions sur la règle n°2 : cette règle est parfois contestée au prétexte que les interruptions “fluidifient le débat” en obligeant l’orateur à se recentrer sur certains points. Cet argument contient une certaine part de vérité et nous conduit à préciser la notion d’interruption en distinguant l’interruption acceptable de l’interruption inacceptable.

Seulement si le temps de parole est partagé et l’animateur est tournant donc mesure des temps de parole (cf. maitre du temps)

C’est ainsi qu’une interruption est qualifiée d’acceptable si :

  • elle est de très courte durée et ne comporte que quelques mots.  Elle est alors dénommée interjection et ne fait que suggérer à l’orateur d’en tenir compte dans le déroulé de son propos et vise ainsi à prendre à témoin l’assistance. L’orateur reste alors libre de s’exécuter ou pas
  • elle entame un raisonnement, mais cesse immédiatement après que l’orateur ait demandé à reprendre la parole
  • elle entame un raisonnement, mais l’orateur indique qu’il accepte d’écouter l’interrupteur (ou le fait tacitement) car il se rend compte que son propos ouvre des éléments supplémentaires d’argumentation.
  • elle concerne un point d’ordre extérieur au sujet débattu

En revanche, une interruption  est qualifiée d’inacceptable si :

  • elle entame un raisonnement et le poursuit malgré les protestations de l’orateur, en le couvrant de sa voix même si ce dernier reprend le fil de son discours
  • elle prétend se justifier sur une anticipation supposée de ce que va dire l’orateur, se caractérisant souvent  par une phrase de ce type : “.. je t’interromps par anticipation, parce que je sais ce que tu vas dire..

Règle n°3 : Il convient d’éviter les opinions subjectives ou de pur ressenti, ainsi les interventions ne doivent pas être de simples affirmations de convictions. Les avis exprimés doivent être argumentés. En cas d’absence ou de faiblesse de l’argumentation, l’animateur doit demander à l’intervenant de faire un effort pour expliquer les raisons qui fondent son opinion.

Règle n°4 : Chaque participant doit accepter l’expression d’une opinion contraire, même si elle choque ses convictions ou ses certitudes. Il ne peut s’y opposer qu’en produisant des contre-arguments, ou en posant une question.

Précisions sur la règle n°4 : cette règle cherche souvent à être contournée par certains participants qui, à un moment donné du débat atteignent ce que nous dénommerons le point limite démocratique, qui, à l’instar du célèbre point Godwin, est utilisé pour tenter de signifier à son interlocuteur qu’il vient de se discréditer pour des raisons particulières n’ayant rien à voir avec le contenu de l’échange. Ce point limite démocratique consiste à exercer une pression morale sur l’orateur en l’enjoignant de se taire (ou d’approuver son contradicteur ce qui revient au même) par des interjections de type : lâche un peu !, ou  : tu veux toujours avoir raison ! Cette technique vise à faire l’économie d’une argumentation en tentant de culpabiliser l’orateur vis à vis du reste de l’assistance, notamment lorsque ce dernier développe une opinion supposée être minoritaire en son sein. Pire, ce stratagème vise également à faire passer pour apodictique une affirmation qui ne l’est pas, et ce afin de clore définitivement le débat. Il résulte de ces précisions nécessaires que la règle n°4 ne saurait être transgressée  et que nul orateur ne peut tenu de mettre fin à son argumentation en cours, sous aucun prétexte.

Règle n°5 : L’animateur ne donne pas son opinion personnelle. Il peut, par contre, apporter des éléments factuels de nature à relancer des questionnement. Il peut recentrer sur la question en cours si l’intervenant fait trop de digressions.

En l’absence d’animateur spécifique ces règles s’appliquent par consentement mutuel et tacite.

Remplacé par L’animateur tournant et le maitre du temps (mesure des temps de parole) sont désignés en début de séance